Voilà donc le récit d'Antoine Deleau :
"J'étais au premier rang, avantage que je devais à ma grande taille. L'artillerie anglaise nous foudroyait et nous répondions à chaque décharge par une fusillade de moins en moins nourrie. Entre deux décharges le général Anglais nous cria en français
"Grenadiers rendez vous ! " Cambronne répliqua " la garde meurt mais ne se rend pas ! " Je l'ai parfaitement entendu, j'étais à deux mètres de lui.
Le général anglais commanda le feu. Nous reformâmes le carré ; "Grenadiers rendez vous ! Vous serez traités comme les plus beaux soldats du monde !" reprit la voix stricte du général Anglais. Cambronne répliqua à nouveau "La garde meurt mais ne se rend pas !" Tous ceux qui étaient proches de Cambronne dont moi, répétâmes cette phrase, reprise bientôt par tout le carré. Nous essuyâmes une nouvelle terrible décharge .Nous reformâmes encore le carré et nous ouvrîmes le feu à notre tour…
Cette fois ce furent tous les soldats anglais qui nous cernant de toutes parts nous implorèrent de nous rendre.. "Grenadiers rendez vous ! rendez vous !"
C'est alors que fou d'impatience et de colère, Cambronne lâcha le fameux "Merde !"
Ce fut le dernier mot que j'entendis car je reçus un boulet dans mon colback qui m'étendit sans connaissance sur un tas de cadavres."
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Victor Hugo (Les misérables.1862)
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A cet épisode que nous rapporte Dom Pierre, il convient de préciser que le général Cambronne lui-même nia le restant de sa vie avoir prononcé le mot. Ce qui fit dire à l'historien Henri Houssaye : « Mais alors qu'on ne s'explique pas pourquoi, il aurait nié la phrase si vraiment il l'avait prononcée, on comprend beaucoup plus facilement qu'il ait été embarassé et même confus d'avouer le mot. Devenu le mari d'une Anglaise et créé vicomte par Louis XVIII, Cambronne se piquait d'une excellente éducation. Il tenait à passer pour un homme bien élevé. Il ne voulait pas donner aux malveillants un nouveau prétexte de dire que les généraux de l'Empire étaient de grossiers soldats qui avaient importé dans les états-majors et jusque dans les salons les façons et le langage de corps de garde. Mais si l'on se représente par la pensée l'épisode final de la tragique bataille du 18 juin 1815, si l'on songe à l'état d'esprit où se trouvait Cambronne, à l'exaspération que devaient produire sur lui les sommations réitérées de l'ennemi, on reconnaît que le mot était en situation. Il est psychologiquement vrai : or, comme, au témoignage de Cambronne lui-même, il répondit quelque chose - une phrase ou un mot - aux Anglais qui le sommaient de se rendre, ce quelque chose doit être cela.»
Lors du retour de l'Empereur en 1815, c'est lui qui commandera l'avant-garde de la "petite armée" de Golfe-Juan aux tours de Notre-Dame. Napoléon ayant retrouvé son trône, il sera nommé général de division, comte de l'Empire et grand officier de la Légion d'honneur. Il refusera le grade de général de division en affirmant : « On dirait que c'est un passe-droit.»
A Waterloo, il commandera le 1er chasseurs à pied de la Garde. Blessé, il sera fait prisonnier et emmené en Angleterre. De retour en décembre 1815, il sera écroué le 20 et passera devant le conseil de guerre le 26 avril 1816. Il sera acquitté.
En 1819, le roi Louis XVIII le fera chevalier de Saint-Louis. En 1823, il prendra sa retraite et s'établira à Nantes, sa ville natale, où il s'éteindra le 29 janvier 1842.
Source : http://ameliefr.club.fr/Mot-de-Cambronne.html