Cet article retrace l'histoire du Japon impérial pendant la première partie de l'ère Shōwa (entre 1926 et 1945) et en décrit l'expansionnisme sur la zone de la « Sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale ». Mis en œuvre dès l'ère Meiji et poursuivi durant l'ère Taishō, l'expansionnisme japonais s'intensifia durant l'ère Shōwa, jusqu'à aboutir à une guerre ouverte dans l'ensemble de l'Asie. La défaite militaire du Japon en 1945 vint mettre un terme à son expansionnisme militaire.
Fondements idéologiques
Articles détaillés : Trésor impérial du Japon, Empereur du Japon et Shintoïsme.
Partageant les mêmes vues ultranationalistes que Kita et Shūmei Ōkawa, Nisshō Inoue, élabora pour sa part une synthèse d’ultranationalisme et de bouddhisme. Avec la Ketsumeidan, il fut l’instigateur en 1932 d’une série d'assassinats politiques dont celui du premier ministre Tsuyoshi Inukai ouvrant la voie à la mainmise des militaires sur la vie politique.
Ulcérés par le traitement accordé à leur nation par les puissances occidentales lors du traité de Versailles et opposés au Traité naval de Washington et au Traité naval de Londres, de nombreux politiciens et militaires japonais comme Ikki Kita, Sadao Araki et Fumimaro Konoe réactualisèrent la doctrine du hakkō ichi'u (les huit coins du monde sous un seul toit) et mirent en place une idéologie fondée sur la supériorité de la race nipponne et son droit à dominer l'Asie. Cette idéologie raciste présentait le Japon comme le centre du monde et prenait assise sur l'institution impériale et l'empereur, considéré comme le descendant de la déesse Amaterasu Omikami.
À compter du mois d'août 1940, coïncidant avec le 2600e anniversaire de la fondation mythique de la nation, le concept du hakkō ichi'u fut officiellement adopté par le gouvernement Konoe comme devant conduire à l'établissement d'un «nouvel ordre en Asie orientale»3. Des pamphlets reprenant ces principes, comme le Kokutai no hongi (Les Fondements de la politique nationale), furent distribués gratuitement dans la population et les écoles.
La propagande, présente depuis le début de l'ère Shōwa, atteignit son paroxysme avec l'intensification de la «guerre sainte» (seisen) du Japon contre la Chine et son entrée en guerre contre l'Occident. Chaque soldat déployé sur le front portait sur lui un exemplaire de poche du Senjinkun dont la phrase introductive était : «Le champ de bataille est l'endroit où l'Armée impériale, obéissant au Commandement impérial, démontre sa vraie nature, conquérant lorsqu'elle attaque, remportant la victoire lorsqu'elle engage le combat, afin de mener la Voie impériale aussi loin que possible, de façon à ce que l'ennemi contemple avec admiration les augustes vertus de Sa Majesté.»
L'étranger devint dès lors un kichiku (bête), un être inférieur qui ne pouvait qu'être méprisé. Ce mépris favorisa la violence à l'encontre des populations civiles des pays conquis et des prisonniers, conduisant dans certains cas jusqu'au cannibalisme.
Le peuple japonais étant considéré génétiquement supérieur, plusieurs mesures eugénistes furent mises en place par les gouvernements successifs du régime shōwa dans le but de maintenir cette supériorité. Le gouvernement de Fumimaro Konoe promulga ainsi une Loi nationale sur l'Eugénisme qui ordonnait la stérilisation des handicapés mentaux ou des "déviants" et interdisait l'utilisation des moyens contraceptifs. Le gouvernement de Naruhiko Higashikuni instaura quant à lui l'une des dernières mesures eugénistes du régime. Le 19 août 1945, le ministère de l'Intérieur ordonna la création d'un service de prostitution afin "d'endiguer la frénésie démente des troupes d'occupation ainsi que de préserver et de conserver la pureté de notre race." Des clubs de ce type furent rapidement mis en place par Yoshio Kodama et Ryoichi Sasakawa.
Taïwan (1895) et Corée (1910)
Articles détaillés : Guerre sino-japonaise (1894-1895), Histoire de l'île de Taïwan et Histoire de la Corée sous occupation japonaise.
Taïwan et la Corée furent incorporées à l'Empire dès l'ère Meiji, le sort de la première étant une conséquence de la première guerre sino-japonaise.
Cette annexion fut suivi d'une phase d'assimilation sociale et culturelle coïncidant avec le début de l'ère Shōwa. Ainsi, l'enseignement des langues autochtones étant interdit, les citoyens furent contraints de renoncer à leur nom d'origine.
Une partie des Coréens fut déportée vers l'archipel nippon afin de travailler dans les usines japonaises (voir Zainichi), et des Coréennes furent utilisées comme « femmes de réconfort » par l'armée impériale japonaise. Les Coréens émigrés au Japon furent également victimes de répressions, le séisme de Kanto, qui toucha Tokyo en 1923, étant notamment le prétexte à des représailles et des massacres contre cette population.
Chine
Après sa victoire sur la Chine et l'annexion de Taïwan, le Japon Meiji s'imposa parmi les puissances étrangères qui asseyaient à l'époque leur domination politique et économique sur la Chine. L'Empire du Japon tint un rôle important dans la répression de la révolte des Boxers et fut l'une des nations concernées par le Protocole de paix Boxer. Après la guerre russo-japonaise, le Japon s'empara de l'ancienne concession russe dans le Guandong. Le Japon obtint également des concessions à Tianjin et à Hankou.
En 1914, entré en guerre aux côtés des Alliés lors de la Première Guerre mondiale, le Japon occupa les concessions de l'Empire allemand dans le Shandong. En 1915, le gouvernement japonais de Shigenobu Ōkuma présenta au président chinois Yuan Shikai une liste de Vingt et une demandes visant à accroître le poids économique et politique du Japon en Chine, et à faire de la Chine une forme de protectorat. La proposition fut initialement refusée par la Chine, mais le Japon présenta ensuite une version abrégée de treize demandes, assorties d'un ultimatum, que le pouvoir chinois finit par accepter. Les pays occidentaux, et notamment les États-Unis, s'inquiétèrent des visées du Japon en Chine et de ses méthodes diplomatiques : un compromis finit par être trouvé avec les États-Unis concernant le Shandong, où le Japon souhaitait pérenniser sa présence : les visées japonaises sur la province furent accompagnées en 1918 par un accord secret avec le gouvernement chinois, puis entérinées en 1919 à la conférence de paix de Paris et incluses dans le traité de Versailles. Cette validation des visées japonaises déclencha en Chine une réaction nationaliste connue sous le nom de mouvement du 4 Mai. Le gouvernement chinois finit par refuser en juin de signer le traité de Versailles.
Durant la période des seigneurs de la guerre, le Japon tira avantage du désordre politique en Chine et appuya certaines factions, comme la clique du Fengtian de Zhang Zuolin.
Invasion de la Mandchourie (1931)
Entre 1926 et 1945, le Japon poursuivit sa politique expansionniste initiée avec l'annexion de la Corée en 1910. Ainsi en 1931, l'armée du Kantogun s'empara de la Mandchourie chinoise. Dès lors, cette région devint un nouvel état sous protection impériale, nommé Mandchoukouo, officiellement gouverné par l'ancien empereur chinois Pu Yi. Le gouvernement japonais y implanta notamment l'unité 731 et mit en place la Kōa-in, qui, avec la collaboration de la Kempeitai, asservit dans des travaux forcés plusieurs millions de civils chinois.
Seconde Guerre sino-japonaise
Articles détaillés : Guerre de Shanghai (1932), Guerre sino-japonaise (1937-1945) et Gouvernements collaborateurs chinois.
L'invasion de la Chine continentale fut autorisée par l'empereur Shōwa en juillet 1937. Dès le mois d'août, ce dernier autorisa la suspension des dispositions des conventions internationales sur la protection des prisonniers de guerre auxquelles était partie le Japon comme la Convention de La Haye.
Des heurts eurent lieu en 1932 et 1936, entre les troupes japonaises et chinoises, à Shanghai, autour de la Grande Muraille et en Mongolie-intérieure. Un traité de paix, signé en 1933, instaura une zone démilitarisée s'étendant de Tianjin à Pékin. Fin 1935, le gouvernement du Hebei proclama son autonomie et entama une politique de collaboration avec les Japonais, permettant à l'Empire de mettre la région sous sa tutelle. En 1936, le Japon commença à soutenir les autonomistes mongols, qui créèrent le gouvernement du Mengjiang.
Les troupes de l'armée impériale remontèrent tout d'abord le Chang Jiang, s'assurant la maîtrise de Shanghaï en bombardant la ville, puis de Nankin où elles se livrèrent à un terrible carnage (massacre de Nankin) et enfin de Wuhan au printemps 1939, après y avoir utilisé à maintes reprises les armes chimiques.
Après des succès initiaux, l'armée japonaise se vit imposer une vive résistance de la part de l'armée nationaliste de Tchang Kaï-chek et, dans une moindre mesure par les troupes communistes de Mao Zedong. Confrontée à un territoire trop vaste et incapable de capitaliser sur ses gains, l'armée japonaise se trouva dès lors enlisée et, en dépit de l'utilisation de moyens souvent extrêmes notamment à Wuhan, Guangzhou et Changde (armes chimiques et bactériologiques) ne parvinrent pas à réduire la résistance chinoise. A partir de la fin 1941, l'armée impériale se livra dans le nord de la Chine à une politique de répression de grande ampleur connue sous le nom de Politique des Trois Tout, qui aurait causé la mort d'environ 2,7 millions de civils chinois. Ce n'est qu'avec l'Opération Ichi-Go, lancée en 1944, que les troupes de Hirohito purent connaître un succès relativement durable en prenant une partie des terres sous contrôle de la République de Chine.
En mars 1940, les deux gouvernements collaborationnistes mis en place à Pékin en 1937 et à Nankin en 1938 furent fusionnés à Nankin sous le nom de Gouvernement de la République de Chine, avec à sa tête l'ancien premier ministre nationaliste Wang Jingwei. Ce gouvernement ne détenait en pratique aucune réelle autonomie et servait essentiellement à des fins de propagande pour démontrer l'efficacité de la Sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale. Il conclut des ententes avec le Japon et le Mandchoukouo et signa le Pacte anti-Komintern en 1941.
Indochine française (1940)
Article détaillé : Invasion japonaise de l'Indochine.
L'insistance du Quartier-général impérial, désireux de stationner des troupes en Indochine dans le but de prendre à revers les forces nationalistes chinoises, amena le gouvernement de Hanoi à adopter une politique de collaboration avec l'Empire japonais. Le piétinement des pourparlers amorcés dès le mois d'août 1940 entre le gouvernement colonial français et l'état-major entraîna l'occupation brutale de Lang Son et de Dong Dang. Les combats se poursuivirent en dépit d'une entente de collaboration conclue le 22 septembre, et conduisirent au bombardement de Haiphong. Au total, plus de 800 soldats français périrent au cours des combats. Le 26 septembre, le Quartier-général impérial mit finalement terme au conflit. Le gouvernement de Vichy passa en 1941 des accords avec le Japon qui faisaient bénéficier celui-ci de la clause de la nation favorisée et aboutissaient à une intégration de l'Indochine à la sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale.
Inquiets de l'avancée des forces Shōwa en Extrême-Orient, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Hollande imposèrent au Japon à l'été 1941 un embargo sur les produits pétroliers, après avoir signifié un ultimatum officiel demandant le retrait de ces forces de l'Indochine et de la Chine (à l'exclusion du Mandchoukouo). En réaction à cet embargo, Hirohito autorisa le bombardement de Pearl Harbor et le déclenchement de la guerre de la grande Asie orientale.
Alliance avec la Thaïlande (1941)
Articles détaillés : Histoire de la Thaïlande, Guerre franco-thaïlandaise et Invasion japonaise de la Thaïlande.
Désireux de venger l'affront qui avait été fait au royaume de Siam en 1893 et 1904 lors des traités territoriaux imposés par la France, le gouvernement du premier ministre Plaek Pibulsonggram profita de l'invasion de la France par l'Allemagne et se lança en 1941 dans une série d'attaques contre l'Indochine française, fidèle à Vichy. Les forces navales des deux états s'affrontèrent notamment lors de la bataille de Koh Chang. Aucun des deux camps n'étant en mesure de s'imposer, le litige fut finalement tranché par le Japon, déjà présent dans le nord du territoire et qui avait offert ses services de médiation. Ce dernier, désireux de se ménager un allié en Asie, trancha en faveur de la Thaïlande et lui octroya des territoires du Laos et du Cambodge.
Dès lors, la Thaïlande bascula progressivement dans le camp nippon, ce qui entraina des représailles commerciales de la Grande-Bretagne et des États-Unis qui imposèrent en avril 1941 un embargo sur le pétrole.
La Thaïlande tarda cependant à donner au Japon l'autorisation de faire transiter ses forces armées par son territoire, ce qui était nécessaire à l'attaque contre la Malaisie. Le 8 décembre 1941, le Japon décida de passer outre et, afin de pouvoir attaquer la Malaisie, envahit le territoire thaïlandais. Après de brefs heurts entre les troupes thaïlandaises et japonaises, Phibunsongkhram permit aux forces Shōwa de stationner sur son territoire. Convaincu par l'avance des Japonais en Malaisie, il conclut le 21 une alliance militaire qui mena à la déclaration de guerre contre les alliés du 25 janvier 1942.
L'armée Shōwa implanta plusieurs dizaines de camps de prisonniers en sol thaïlandais, ces hommes étaient tenus de travailler à la construction de la voie ferrée devant faire le lien entre Bangkok et Rangoon. Au total environ 200 000 civils et 60 000 prisonniers de guerre ont travaillé à ces chantiers. Le taux de mortalité surpassait de loin la moyenne constatée dans les autres camps japonais, qui s'élevait à 27%12. Environ 100 000 civils et 16 000 prisonniers de guerre y ont trouvé la mort. Une version édulcorée de leur sort a été présenté dans Le Pont de la rivière Kwaï.
En août 1944, le gouvernement de Phibunsongkhram fut renversé et le régent, Pridi Phanomyong, en profita pour se rapprocher progressivement des alliés et encourager le mouvement de libération Seri Thai dont fut issu le nouveau premier ministre Kuang Abhaiwongse.
Entrée dans le conflit mondial
Article détaillé : Guerre en Asie et dans le Pacifique.
En décembre 1941, l'Empire du Japon, allié depuis septembre 1940 à l'Allemagne nazie et au Royaume d'Italie dans le cadre de l'Axe Rome-Berlin-Tokyo, déclencha la guerre contre les possessions occidentales en Asie et en Océanie.
Pearl Harbor
Article détaillé : Attaque sur Pearl Harbor.
L'attaque contre la flotte des États-Unis à Pearl Harbor est l'épisode le plus connu du déclenchement des hostilités. Plusieurs autres attaques eurent néanmoins lieu le même jour, dans le cadre d'une offensive multiple et de grande envergure.
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