Les relations entre les soldats français et l’armée japonaise sont excellentes. Oublié l’incident ayant eu lieu 4 ans plus tôt où des samouraïs qui n’aimaient pas trop les étrangers avaient tranché en rondelles quelques Français (on rigolait beaucoup moins à l’époque) et où la France en retour avait bombardé le fort de Shimonoseki avant de débarquer et de piquer les canons du Prince Nagato. (On peut d’ailleurs voir ces canons au musée des Invalides, avec une petite pancarte : « Piqués aux Japonais »).
Le Shogun Tokugawa s’habille même en uniforme militaire napoléonien.
Et le gouvernement devient plutôt profrançais. L’amour franco-japonais règne. Manque de pot, tragique disynchronisation de l’histoire, l’Empereur Meiji décide que deux cent ans de Tokugawa ça suffit et qu’il aimerait bien récupérer le pouvoir.
Commence alors une nouvelle guerre civile auquel le Japon est bien habitué. Les perfides Anglais qui comme chacun sait n’ont jamais digéré la guerre de 100 ans et sont obsèdés depuis cette époque par l’envie de nuire aux intérêts français, prennent le parti de l’Empereur.
Parallèlement à cela l’équilibre des forces change en Europe avec la montée d’un petit Etat allemand que Napoléon Ier avait conquis en une semaine. Ce petit Etat, c’est la Prusse, contre laquelle nous fîmes trois guerres en cent ans dont deux qui devinrent mondiales. Napoléon III rappelle donc ses militaires à la maison. Chanoine n’est pas content, non seulement il doit abandonner l’armée qu’il a formée, mais en outre il a trois changements pour rentrer, un a Hong-Kong, un a Saigon et un a Alexandrie et tout le monde sait que la ligne 13 est surchargée au mois d’octobre.
Cependant tout le contingent Français ne rentre pas, un petit groupe mené par le Capitaine Jules Brunet décide de rester. Laisser les Anglais gagner ? Jamais ! Ils ont quand même brûlé Jeanne d’Arc, exporté la jelly et profité de la spéculation immobilière londonienne pour racheter nos fermes du Périgord. C’est intolérable.
Selon d’autres sources Jules Brunet n’aurait pas pu abandonner l’armée shogunale avec laquelle il avait tissé des liens forts.
Le Capitaine Brunet est un brillant polytechnicien, spécialisé dans l’artillerie, ayant déjà été récompensé pour sa bravoure pendant la Guerre du Mexique. Il décide alors que « ça va pas se passer comme ça, non mais. »
Malheureusement ce sont les armées impériales qui gagnent la bataille décisive de Boshin à l’issue de laquelle le Shogun Tokugawa, quinzième de la lignée, rend le pouvoir à l’Empereur.
Brunet et ses quatre officiers français entrent dans la résistance japonaise dirigée par Enomoto, l’ancien chef de la flotte Tokugawa (flotte d’ailleurs construite par l’ingénieur français Léonce Verny), avec qui Brunet entretenait des relations d’amitié.
La montée en puissance de l’armée impériale force les dissidents shogunaux à fuir à Hokkaido, l’île du nord. Grâce aux plans des Français, les partisans du Shogun prennent la forteresse de Goryokaku. Enomoto décide alors de fonder la République d’Ezo, sur le modèle américain. Il en devient président.
L’armée de la République d’Ezo passe sous le commandement d’Otori Keisuke et de Jules Brunet en tant que commandant en second. L’armée est divisée en 4 parties, chacune menée par un officier Français. Pour reconnaître leur officier français dans le tumulte de la bataille, les soldats japonais ont une technique simple : c’est celui qui porte la moustache.
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L’aventure se termine à la bataille de Hakodate. L’armée d’Ezo compte 800 soldats, l’armée impériale 8000. Napoléon lui-même n’avait jamais fait mieux que gagner à 1 contre 3. Du 1 contre 10, ça devenait un peu plus délicat.
L’Empereur Meiji a atteint son but : dominer enfin tout le Japon.
Brunet et ses camardes sont renvoyés en France et y sont jugés pour avoir désobéi aux ordres de Napo III. Mais comme la guerre Prussienne commence, Brunet est rapidement réhabilité pour aller se battre. Il est fait prisonnier au siège de Metz, puis, libéré, il joue un rôle très important dans la victoire des Versaillais contre les Communards.
Au Japon tout se finit par des tripes sur le sol ou un consensus. En général les deux dans cet ordre. Après la fin de la guerre civile Enomoto le dissident devint le commandant de la flotte impériale et parvint à convaincre l’Empereur Meiji de décerner une médaille de reconnaissance à Brunet que celui-ci reçu à l’Ambassade du Japon à Paris.
L’armée japonaise restera comme beaucoup fortement influencée par la formation française (rappelons que la plupart des armées du monde utilisent les grades de l’armée française).
Jules Brunet finit sa carrière en tant que chef d’Etat major. Le Ministre de la Guerre étant alors …. Charles Chanoine.
Une bien belle histoire franco-japonaise qui a inspiré, vous l’aurez reconnu, le film The Last Samourai.
Pour approfondir le sujet des relations franco-japonaises : 絹と光、日仏交流の黄金期/ Soie et lumière: l’âge d’or des échanges franco-japonais (en français et japonais), Christian Polak, Hachette Fujingaho.
Sources :
Voir aussi :