Au Sommet de Rio de 1992, une jeune canadienne de Vancouver, Severn Cullis-Suzuki, alors âgée de 13 ans — qui avait fondé quatre ans plus tôt une association «Environmental Children’s Organization» E.C.O, avec des camarades de classe — s’était adressée de la tribune, lors d’une séance plénière, à l’assemblée des représentants. Severn, aujourd’hui trentenaire, est une activiste écologique.
On se souviendra qu’en 1992, Les Humains Associés avaient traduit, publié et distribué gratuitement le premier rapport du PNUD. Seize ans, plus tard, malheureusement, les propos de Severn sont d’une brûlante actualité.
Texte du discours (via Averlok)
Rio Centro, Brésil 1992
Bonjour. Je m’appelle Severn Suzuki et je parle pour l’E.C.O. - la « Environmental Children’s Organization ». Nous sommes un groupe d’enfants de 12 à 13 ans du Canada et nous voulons essayer de changer quelque chose : Nous ce sont Vanessa Suttie, Morgan Geisler, Michelle Quigg et moi.
Nous avons collecté de l’argent pour pouvoir entreprendre ce long trajet de 9500 kilomètres afin de pouvoir vous dire chers adultes que votre attitude doit se changer. En venant ici aujourd’hui, je le fais sans aucune intention cachée. Je me bats pour mon avenir - car si je perds mon avenir, ce n’est pas comme si l’on perdait une élection ou quelques points à la bourse. Je suis venue ici pour parler au nom de toutes les générations futures.
Je suis ici pour parler au nom de tous les enfants affamés du monde entier dont personne n’entend les cris. Je suis ici pour parler pour les innombrables animaux qui doivent mourir de tout autour de la terre parce qu’ils ne trouvent plus d’espace vital. Nous tous ne pouvons plus nous permettre de ne pas être entendus.
J’ai peur d’aller au soleil parce que la couche d’ozone présente des trous. J’ai peur de respirer l’air parce que je ne sais pas avec quelles substances chimiques il est contaminé.
Autrefois j’allais souvent à la pêche avec mon père jusqu’au jour où il y a quelques années de ça, nous avons trouvé les poissons pleins d’ulcères. Et maintenant nous apprenons que beaucoup d’animaux et de plantes disparaissent chaque jour - ils disparaissent pour toujours.
Dans ma vie j’ai souvent rêvé de voir les grands troupeaux d’animaux sauvages, la jungle et les forêts équatoriales pleines d’oiseaux et de papillons. Mais maintenant je me demande s’ils existeront toujours afin que mes enfants puissent s’en réjouir un jour.
Avez-vous dû vous préoccuper de toutes ces petites choses quand vous aviez mon age ? Tout ceci se passe sous nos yeux et malgré tout, nous nous comportons comme si nous avions du temps à volonté et toutes les solutions.
Je ne suis qu’une enfant et je n’ai pas toutes les solutions mais je voudrais que vous compreniez - que vous non plus !
Vous ne savez pas combler les trous dans la couche d’ozone.
Vous ne savez pas comment faire nager un saumon à nouveau à contre-courant dans un fleuve pollué.
Vous ne savez pas comment faire revenir un animal disparu.
Et vous ne pouvez pas non plus faire revenir les forêts qui jadis se trouvaient là où aujourd’hui est le désert.
Si vous ne savez donc pas comment réparer tout ça, alors, s’il vous plaît, arrêtez de tout détruire!
Ici vous êtes peut-être des délégués de votre gouvernement, des hommes d’affaires, des organisateurs, des reporters ou des politiciens - mais en réalité vous êtes des mères et des pères, des frères et des sours, des tantes et des oncles - et vous êtes tous l’enfant de quelqu’un.
Je ne suis qu’une enfant mais je sais que nous faisons tous partie d’une famille, cinq milliards à savoir 30 million de différents espèces et nous tous partageons ensemble le même air, l’eau, le sol - Des gouvernements n’en changeront jamais rien. Je ne suis qu’une enfant mais je sais que nous sommes tous embarques ensemble et que nous devrions nous comporter comme un seul peuple en route vers un même but. Je ne suis pas aveuglée par la colère et, malgré mon inquiétude, je n’ai pas peur de dire au monde comment je me sens.
On produit beaucoup de déchets dans mon pays, nous achetons et nous jetons, achetons et jetons et, malgré tout, les pays de l’hémisphère du nord ne sont pas prêts à partager avec ceux qui sont dans le besoin. Même si nous avons suffisamment nous avons quand même peur de perdre un peu de notre richesse, nous avons peur de partager.
Au Canada nous avons une vie privilégiée avec de la nourriture, de l’eau et des logements en abondance - nous avons des montres, des bicyclettes des ordinateurs et des téléviseurs. Il y a deux jours nous étions effrayés de voir des enfants vivant dans les rues, ici au Brésil. Et un enfant nous disait : « je souhaiterais être riche ; alors je donnerais à manger, des médicaments, des logements, de l’amour et de l’affection à tous les enfants des rues. » Si un enfant des rues, qui n’a rien, est prêt à partager, pourquoi sommes nous si avare, nous qui avons tout ? Je dois toujours penser que ces enfants ont mon age et que l’endroit où on est né fait une énorme différence. Je pourrais être un des enfants dans les ghettos de Rio ; je pourrais être un de ces enfants mourant de faim en Somalie ; une victime de guerre au Moyen Orient ou un mendiant en Inde.
Je ne suis qu’une enfant mais je sais qu’en utilisant tout l’argent dépensé pour la guerre on mettrait fin à la pauvreté et on trouverait des réponses à la pollution - Quel endroit merveilleux serait cette terre !
A l’école, oui même à la maternelle, vous nous enseignez de nous comporter correctement dans le monde :
- ne pas se disputer avec les autres
- traiter les choses ensemble
- se respecter réciproquement
- mettre de l’ordre
- ne pas martyriser d’autres êtres vivants
- ne pas être ni avide et ni avare
mais alors pourquoi faites-vous exactement ce que vous nous interdisez de faire ?
N’oubliez pas pourquoi vous êtes venus à cette conférence, pour qui vous faites cela - nous sommes vos propres enfants.
Vous décidez dans quel monde nous allons grandir. Les parents devraient être en mesure de rassurer leurs enfants en disant « Tout ira bien », « nous faisons du mieux que nous pouvons » et « ce n’est pas la fin du monde ». Mais je crains que vous ne puissez plus nous dire cela. En fait, comptons nous encore parmi vos priorités ? Mon père disait toujours : « Tu es ce que tu fais - non pas ce que tu dis ». Eh bien, ce que vous faites me fait souvent pleurer la nuit. Les adultes disent qu’ils nous aiment. Je vous en supplie : S’il vous plaît, conformez vos actes à vos paroles !
Merci pour votre attention
Severn Cullis-Suzuki (E.C.O.)