Plats cuisinés, charcuterie, pain... les aliments sont trop riches en sel. Les pouvoirs publics sont sourds, ou aveugles, les étiquettes restent muettes. Et c’est 75.000 accidents cardio-vasculaires chaque année, dont 25.000 décès. Scandale monumental... ou affaire sans intérêt ?
Pierre Méneton, chercheur à l’INSERM, dénonce depuis des années ce régime bien salé auquel la population est exposée, de fait. Le risque sanitaire est avéré et reconnu par tout le monde, et en premier lieu par l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) qui a rendu, en 2002, un rapport sucré-salé bien peu alarmiste toutefois. S’il reconnait l’effet très grave sur la santé, il se contente de préconiser une petite réduction des doses, à 8g par jour. En France, l’apport moyen se situerait autour de l0g par jour ; un quart des hommes et 10% des femmes en consommeraient plus de 12 g. Or, les besoins sont estimés à 3g, et les agences de santé européennes préconisent un maximum de 5 à 6g.
L’industrie est accro au sodium - Agroalimentaire et pharmaceutique
Mais le sel, s’il n’est plus guère utilisé comme conservateur, garde des propriétés intéressantes pour les industriels : il exhausse artificiellement le gout des aliments et de par sa faculté de rétention d’eau, il permet aussi d’augmenter le poids des boites. Il possède par ailleurs deux autres propriétés : accoutumance et pouvoir assoiffant : réduire la consommation de sel de 11g à 5g réduit le "besoin" de boire de l’équivalent de 330 ml, soit une canette. Mauvais pour la croissance. Dans un pays comme la France, estime Pierre Meneton, une réduction de 30 % des apports en sel entraînerait un manque à gagner de 7 milliards d’euros par an pour l’agroalimentaire.
Si l’on réduisait de moitié les quantités de sel incorporées dans la nourriture industrielle, on diminuerait de moitié le nombre d’hypertendus. C’est du moins ce que permet de conclure l’étude « Intersalt », réalisée en 1997 sur 10 000 personnes dans 32 pays. Sans l’aide d’aucun médicament. Un coup dur pour le très rentable marché des anti-hypertenseurs, qui pèse, seulement en France, 2 milliards d’euros par an. Hasard total, le groupe Solvay, membre du Comité des salines de France et second producteur européen de sel, possède également une branche pharmaceutique qui aligne pas moins de cinq médicaments anti-hypertenseurs !
La vengeance est un plat... salé, qui ne se mange pas !
Méneton, en menant son enquête, s’est aperçu que les professionnels désinformaient systématiquement sur les teneurs en sodium de leurs produits ainsi que sur les conséquences de sa consommation. Et il le dit ! Au mensuel TOC, il déclarait en 2006, que "le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire était très puissant" et "désinformait les professionnels de la santé et les médias". Il a été poursuivi par le Comité des Salines de France pour "diffamation". Ce procès a eu l’effet inverse de celui espéré. Toutes les informations ont été mises sur la table. Appelés à la barre en tant que témoins, l’ancien directeur général de la Santé, Joël Ménard, et le journaliste du Point, magazine dans lequel avait été publié l’article, Christophe Labbé, ont soutenu Pierre Méneton. Mercredi 12 mars, les plaignants ont été déboutés, le tribunal ayant estimé que Meneton avait fait preuve d’une « appréciation critique » et non « diffamatoire ».
Et en attendant, personne n’est au courant et les pouvoirs publics ne bougent pas d’un pouce. Aucun étiquetage, aucun message d’alerte... mais 25.000 morts tous les ans, finalement, qu’est-ce que c’est ? Les morts ont un sens... aussi.
Une vidéo de Pierre Meneton, réalisée par Bakchich.info, qui vous en apprendra peut-être un peu plus.
Source