3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 18:23

 

Les missiles V2 (ou fusées A4) sont les premiers missiles balistiques opérationnels et les véritables « prototypes » des premiers lanceurs de l'ère spatiale. Ces armes développées par l'Allemagne nazie dès 1938 et utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale ont provoqué la mort de milliers de personnes, non seulement sur les objectifs visés, mais plus encore parmi la main-d'œuvre concentrationnaire chargée de les construire dans des conditions épouvantables.

 

En dépit de son caractère novateur, l'effet du V2 fut principalement psychologique ; comparés au bombardement classique (dit « sur zone »), ces premiers missiles balistiques, imprécis et fabriqués en nombre relativement limité, ne jouèrent qu'un rôle marginal dans les pertes humaines et matérielles de la guerre aérienne. Mais le V2 allait ouvrir la voie aux vecteurs modernes qui sont le support principal de la dissuasion nucléaire et de la frappe dite « chirurgicale ».

 

 

Historique 

Les V2 furent conçus à la station expérimentale de l'armée allemande de Peenemünde sous la direction technique de l'ingénieur allemand Wernher von Braun.

 

La lettre V, utilisée habituellement au sens de Versuch (prototype) signifie ici Vergeltung, c'est-à-dire "représailles" ou Vergeltungswaffe "arme de représailles". En effet, les V2 furent lancés en réponse aux bombardements alliés. La V2 a failli être utilisée en 1944 en Sicile pour éradiquer la menace américaine. La mission a été annulée à cause du nombre de soldats italiens sur la zone.

 

Après l'échec des deux premiers tirs des 13 juin et 16 août 1942, le premier vol réussi d'un V2 (encore baptisé A 4 à cette période) eut lieu le 3 octobre 1942. En cette journée, alors que la situation devenait critique pour le programme, un 4ème prototype modifié dans l'urgence parcourut une distance de 192 km, effectuant une parabole dont l'apogée culminera à 85 km d'altitude.

 

« Cette journée constituera, sans doute un tournant décisif dans l'évolution de la technique. Non seulement notre fusée a pénétré dans l'espace, mais, pour la première fois nous nous sommes servis de celui-ci pour relier deux points terrestres. La preuve est faite que la fusée à réaction est un moyen de navigation dans l'espace. De même que l'eau, la terre et l'air, l'espace infini deviendra le théâtre de liaisons intercontinentales et, en tant que tel, acquerra une importance politique. Le 3 octobre 1942 est le début d'une ère nouvelle dans les transports : celle de la navigation spatiale ! Tant que durera la guerre, le devoir nous commande d'accélérer la mise au point de la fusée en tant qu'arme de combat. »

Walter Dornberger, allocution à Peenemünde, 3 octobre 1942

 

Les V2 étaient fabriqués en série dans l'usine souterraine de Mitlewerke -Dora et testés à Blizna. À partir de 1944, les V2 furent opérationnels en tant que missiles balistiques, mais ils n'apportèrent pas la supériorité escomptée par les Allemands dans la Seconde Guerre mondiale, du fait de leur imprécision (plusieurs kilomètres) et de leur relativement faible effet destructeur ("seulement" 750 kg d'explosif classique). Compte tenu de sa vitesse et de son altitude de vol, le V2 n'était vulnérable que pendant quelques secondes, lors de son décollage.

 

Aucun ne put être intercepté.

 

 

Utilisation

Un premier tir avait été prévu le 6 septembre 1944, depuis le plateau des Tailles, mais des ennuis techniques et l'avance des Alliés qui avaient franchi la Meuse contraignirent les Allemands à se rapprocher de leur frontière. Le premier V2 fut donc tiré le 8 septembre 1944 depuis Gouvy en Belgique en direction de Paris. En 5 minutes, il atteignit Maisons-Alfort, en banlieue parisienne, où il fit six morts et 36 blessés : « Paris venait d'avoir le redoutable privilège d'être la première cible d'un engin balistique militaire ».

Plus tard le même jour, alors que la veille Duncan Sandys, président du « comité de lutte contre la bombe volante » britannique avait déclaré lors d'une conférence de presse que « exception faite de quelques derniers coups possibles, la bataille de Londres est terminée », le premier V2 tiré sur Londres tombait à Chiswick. Il faudra deux mois et deux cent explosions sur son sol avant que le gouvernement britannique communique sur l'attaque des V2 en cours. Le secret était d'autant plus facile à garder que contrairement aux V1 qui avaient un ronronnement caractéristique évoquant le moteur d'une motocyclette, les missiles arrivaient à une vitesse de Mach 3,5, supérieure à celle du son, c'est-à-dire dans un silence total. Les explosions pouvaient être imputées à toutes sortes de causes. Lors de la chute du premier V2 sur Londres, personne ne comprit sur le moment qu'il s'agissait d'une bombe. On crut à l'explosion d'immeuble due au gaz jusqu'à la découverte des débris de la tuyère.

 

En tout, 4 000 engins furent construits pour être lancés vers le Royaume-Uni et Londres, dans des conditions très dures pour les prisonniers affectés à ces travaux forcés (usine souterraine de Dora). Les V2 tuèrent deux fois plus de déportés en Allemagne que de civils au Royaume-Uni.

 

Mis très tard en service, les V2 furent lancés depuis des sites que l'avance des troupes alliées imposa de déplacer plusieurs fois : aux Pays-Bas à partir de la région de Middelburg et surtout La Haye (permettant d'atteindre Londres) puis Rijs (région du Norfolk), Hellendorn et Dalsfem (vers la Belgique) ; en Belgique et en Rhénanie, des lancements eurent lieu depuis Saint-Vith et Mertzig vers Paris, puis des alentours de Coblence (Euskirchen et Hachenburg) vers le nord de la France et la Belgique. Les dernières batteries furent installées dans la région de Münster, visant Anvers et Liège.

 

Malgré les dégâts infligés aux infrastructures de fabrication et de lancement, 1 560 V2 furent lancés entre le 8 septembre et la fin de 1944, principalement vers Londres (450) et Anvers (920), mais aussi vers Norwich (40), Liège (25), Paris (20) ainsi que vers Lille, Tourcoing, Arras, Maastricht, Hasselt, etc...

 

Les tirs de 1 500 autres V2 se poursuivirent jusqu'au 27 mars 1945, principalement depuis La Haye, et toujours vers Londres — cible civile principale des Allemands — et Anvers, ainsi que vers quelques cibles militaires. Les dernières fusées furent tirées vers le Kent.

 

-Au total la région de Londres reçut 1 350 V2 et celle d'Anvers plus de 1 600, faisant principalement des victimes civiles.

 

 

Bilan 

Churchill a pu ironiser sur les faibles résultats tactiques du V2 : « À la place de Hitler, j'aurais fait fusiller l'ingénieur qui m'a fait construire une arme aussi coûteuse et aussi peu efficace ». -En effet, le V2 était une arme pratiquement imparable (contrairement au V1), mais qui demandait une fabrication longue et complexe pour moins d'une tonne d'explosif et une précision médiocre.

 

« Hitler entendait que l'on en construise 900 par mois. Il était absurde de vouloir répondre aux flottes de bombardiers ennemies, qui en 1944 larguèrent en moyenne sur l'Allemagne 3000 tonnes de bombes par jour pendant plusieurs mois à l'aide de 4100 quadrimoteurs, par des représailles qui auraient propulsé tous les jours 24 tonnes d'explosifs au Royaume-Uni : la charge de bombes larguées par six forteresses volantes seulement »

— Albert Speer, ministre allemand de l'Armement et de la Production de guerre de 1942 à 1945

 

Aucune cible militaire ou industrielle notable n'a été frappée par le V2. Son rôle a surtout été de propagande, pour entretenir les illusions du Führer et de l'opinion allemande, persuadés que les armes secrètes allaient retourner le sort de la guerre.

Jusqu’à aujourd’hui, les fusées V2 ont fait 2 700 victimes parmi les Britanniques et 6500 blessés.


-Échec tactique, c'est pourtant une brillante réussite technique : le V2 est directement à l'origine des missiles intercontinentaux, mais aussi du vol spatial et de la conquête de l'espace.

 

 

Postérité des V2 

La technologie des V2 fut exploitée par les Alliés après la fin du conflit mondial. Aux États-Unis, des tirs d'essais de V2 furent réalisés depuis la base de lancement de White Sands au Nouveau-Mexique. Par ailleurs, les deux premiers lancements depuis Cap Canaveral en juillet 1950, furent faits avec des « Bumper », composés d'un V2 modifié surmonté d'une fusée WAC Corporal. Les fusées Bumper servaient pour des tests technologiques et pour l'étude de la haute atmosphère.

Les Soviétiques avaient hérité du site de Peenemünde et d'une partie des techniciens, transférés en Russie vers le centre d'études de Gorodomlya. Selon Walter Albring, le rôle des savants allemands a été "faible ou nul" dans le programme spatial soviétique, mais plus important dans celui des fusées anti-aériennes.

 

Les Britanniques furent les premiers à procéder à des lancements de V2 après la Seconde Guerre mondiale. Initiée avec les Américains, l'opération Backfire dont le but principal était de « vérifier la procédure allemande de lancement des fusées à longue portée par des tirs réels », sera finalement totalement assumée par l'armée britannique. Les essais de V2 commencent le 1er octobre 1945 et s'achèvent par un quatrième tir le 15 octobre.

 

Finalement, les Français ont également réutilisé la technologie et les hommes du V2.

 

 

La2-v2.jpg

Réplique du premier prototype de V2 tiré avec succès en octobre 1942 photographiée en 2002 au musée de Peenemünde

 

 

Source : Wikipédia - V2 (Missile) [Fr]

 

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